Pourquoi Donald Trump a-t-il suspendu les versements américains à l’OMS ?

Depuis plusieurs semaines, la tension monte entre l’Organisation mondiale de la Santé et l’administration américaine, qui accuse l’agence de l’ONU d’un biais « pro-chinois ».

A gauche, Donald Trump. A droite, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l’OMS. Entre les deux, la tension monte depuis plusieurs semaines.

A gauche, Donald Trump. A droite, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l’OMS. Entre les deux, la tension monte depuis plusieurs semaines. MAISON-BLANCHE/OMS

La diplomatie du dollar à la sauce Trump est robuste, même par temps de coronavirus. Le président américain a annoncé mardi 14 avril la suspension des versements américains à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Une décision lourde de conséquences, puisque les Américains sont les premiers bailleurs de l’OMS. Comment en est-on arrivé là ? Depuis le mois de janvier, plusieurs épisodes ont irrité à Washington, comme vous pouvez le constater dans la vidéo ci-dessous.

« Aujourd’hui, j’ordonne la suspension du financement de l’Organisation mondiale de la Santé pendant qu’une étude est menée pour examiner son rôle dans la mauvaise gestion et la dissimulation de la propagation du coronavirus », a lancé Donald Trump depuis les jardins de la Maison-Blanche, mardi 14 janvier. Cette évaluation « très approfondie » pourrait durer de 60 à 90 jours.

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Trop proche de la Chine

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a plusieurs fois souligné que les Etats-Unis ont contribué à hauteur 400 millions de dollars l’an dernier, soit « dix fois le montant chinois », au budget de l’OMS.

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Pour le président américain, l’OMS est coupable d’avoir commis de nombreuses « erreurs » sur le coronavirus et d’être trop proche de la Chine. Le 7 avril, Donald Trump avait déjà vertement critiqué l’organisation internationale et menaçait de lui couper les subventions. Le président américain avait lancé :

« L’OMS s’est vraiment plantée. »

Et de déplorer ses prises de positions « très favorables à la Chine ».

En coulisse, Washington reproche à l’OMS et à son patron, Tedros Adhanom Ghebreyesus, son alignement sans analyse critique sur les éléments partagés par la Chine, notamment l’affirmation prématurée de l’absence de preuves d’une transmission du coronavirus entre humains, le 16 janvier dernier, comme vous pouvez le constater dans le tweet ci-dessous.

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Une erreur que n’a pas manqué de souligner Donald Trump lorsqu’il en a eu l’opportunité. Autre facteur aggravant : les félicitations adressées par le Dr Tedros aux autorités chinoises pour leur « transparence », après sa visite en Chine, le 30 janvier. Au vu des doutes qui ont émergé sur la véracité du bilan officiel du Covid-19 en Chine depuis cette déclaration, l’OMS aurait visiblement dû être plus méfiante.

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Retards

C’est évidemment la position de l’administration américaine, mais aussi celle de plusieurs experts interrogés par l’AFP. J. Stephen Morrison, du cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies, estime ainsi que l’agence de l’ONU pour la santé mérite quelques « critiques » pour avoir salué de manière « exagérée » la réaction chinoise et pour avoir tardé a déclaré l’urgence sanitaire mondiale.

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Quelques jours plus tard, une autre conférence de presse suscite la colère du président américain. Le 3 février, alors que les Etats-Unis ont annoncé quelques jours plus tôt la fermeture des frontières aux ressortissants étrangers venant de Chine, le Dr Tedros se montre critique envers les mesures américaines. « Il n’y a pas de raison de prendre des mesures non nécessaires qui interfèrent avec le commerce et le tourisme international. Les Etats doivent prendre des mesures cohérentes, qui ont fait leur preuve », déclare-t-il à Genève, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article.

Premières menaces

Face à ces tensions, Donald Trump, qui poursuit sa croisade tout azimuts contre les institutions multilatérales, menace le 7 avril de couper les subventions de l’OMS. Pour ces détracteurs, la menace apparaît comme une fuite en avant, une manière de se dédouaner de ses propres tergiversations, lui qui est accusé d’avoir tardé à prendre des mesures.

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Dès le lendemain, la réponse de l’OMS est cinglante. En conférence de presse, Tedros Adhanom Ghebreyesus dénonce les Etats qui politisent la crise du coronavirus. « Plus vous politiserez ce virus, plus vous aurez de sacs mortuaires », a-t-il lancé, visiblement décidé à répondre au président américain.

Réprobation internationale

Soulignant que les Etats-Unis contribuaient à hauteur de 400 à 500 millions de dollars par an à l’organisation, contre environ 40 millions de dollars « et même moins » pour la Chine, Donald Trump a estimé mardi 14 avril que son pays avait le « devoir » de réclamer des comptes. Aux yeux de l’OMS, « la Chine a toujours raison », a déploré le président américain.

« Si l’OMS avait fait son travail et envoyé des experts médicaux en Chine pour étudier objectivement la situation sur le terrain, l’épidémie aurait pu être contenue à sa source avec très peu de morts », a-t-il martelé.

Le patron de l’ONU, Antonio Guterres, a vivement critiqué cette initiative, jugeant que ce « n’est pas le moment de réduire le financement » des organisations combattant la pandémie.

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De l’UE à la Chine en passant par l’Union africaine, de nombreux pays et organisations ont également fustigé cette initiative de Washington, premier bailleur de l’OMS avec plus de 400 millions de dollars par an.

« Nous devons travailler en étroite collaboration contre le Covid-19. Un des meilleurs investissements est de renforcer les Nations unies, en particulier l’OMS », a souligné le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.

La Russie a dénoncé « l’approche très égoïste » de Washington, tandis qu’en France, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a dit « regretter » cette décision.

Mahaut Landaz, avec AFP

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