Méta-analyse de l’intérêt diagnostique des tests RT-PCR salivaires de détection du SARS-CoV-2

Evaluation des technologies de santé - Mis en ligne le 11 févr. 2021

Contexte & objectif d’évaluation

  • Utilisé à des fins de détection du SARS-CoV-2 par RT-PCR, le prélèvement de salive pourrait être moins sensible mais mieux accepté et lié à un moindre risque de contamination pour le personnel soignant que l’écouvillonnage nasopharyngé (NP). L’estimation de la perte de chance diagnostique induite par les tests RT-PCR sur prélèvement salivaire constitue ainsi un préalable à toute définition de leurs indications.
  • La HAS a mené à cet effet une 1ère évaluation rapide en septembre 2020 ce qui l’a amenée à constater l’insuffisance et l’hétérogénéité des données disponibles à cette date. La HAS a alors préconisé à cette issue de limiter le recours aux tests RT-PCR salivaires en 2nde intention auprès des patients symptomatiques, en cas de difficulté voire d’impossibilité de prélèvement NP.
  • Depuis cet avis, de nombreux essais comparatifs ont été publiés ce qui a conduit la HAS à décider de réévaluer la perte de sensibilité que pourrait induire la substitution de l’écouvillonnage NP par un prélèvement de salive, en conservant la technique RT-PCR comme référence d’isolement viral.

Méthode

  • Les essais et méta-analyses publiés jusqu’au 28 janvier 2021 ont fait l’objet d’une recherche systématique (Medline, Embase, medRxiv) ; ont alors été inclus les essais publiés (n ≥ 15) ayant comparé la sensibilité de détection du SARS-CoV-2 par une même technique RT-PCR appliquée sur prélèvements salivaire et NP et obtenus au même moment chez un même sujet. La HAS a méta-analysé les essais répondant à ces critères pour estimer la différence de sensibilité existant entre les tests salivaires et NP, en prenant tout positif à l’un ou l’autre comme un vrai-positif (= sujet jugé infecté).
  • Un groupe d’experts et de représentants de patients a été consulté en complément le 21 janvier 2021.

Résultats

  • Dix méta-analyses et 65 essais ayant comparé près de 19 500 paires de tests salivaires et nasopharyngés ont été inclus et méta-analysés. Dans ces essais en majorité à risque incertain ou élevé de biais (59/65 essais), les sujets symptomatiques ont constitué le profil dominant d’inclusion (55/65 essais) ; les prélèvements réalisés ont impliqué en majorité de la salive sans expectoration (49/65) et un écouvillonnage exclusivement NP (52/65) ; les techniques RT-PCR ont ciblé quant à elles en majorité un seul gène viral et ont été pour le reste imprécisément décrites.
  • La méta-analyse de ce rapport a estimé avec une bonne précision mais avec une hétérogénéité majeure que la sensibilité des tests RT-PCR salivaires en population[1] pourrait être de 0,85 [0,81-0,88] ; ces tests pourraient ainsi induire une perte significative de sensibilité de 3 à 13 % s’ils venaient à se substituer aux tests RT-PCR NP, ces derniers disposant d’une sensibilité en population de 0,92 [0,90-0,94]. Aucune analyse en sous-groupe n’a permis d’expliquer cette hétérogénéité, qui est au demeurant également associée aux tests NP.
  • Les projections modélisées en population à partir d’hypothèses de taux de prévalence d’infection par SARS-CoV-2 variant de 5 à 25 % ont conduit complémentairement à estimer que les tests RT-PCR salivaires pourraient induire des résultats faussement négatifs auprès de moins de 5 % des sujets testés, soit une augmentation a priori d’au plus 2 à 3 % par rapport aux faux-négatifs induits par les tests RT-PCR NP.
  • Les experts consultés ont estimé que ces méta-analyses réalisées par la HAS clarifient l’intérêt diagnostique des tests RT-PCR salivaires ; ils ont observé que la sensibilité estimée de ces tests reste supérieure au seuil minimal de 80 % attendu, la perte de sensibilité qu’ils pourraient induire par rapport aux tests RT-PCR NP étant jugée limitée. Les experts consultés ont alors considéré que cela validait l’intérêt de principe des tests RT-PCR salivaires auprès de sujets symptomatiques et asymptomatiques, en complément de ceux actuellement disponibles. Ils ont unanimement souligné que les indications de ces tests RT-PCR salivaires ne pourraient au demeurant être définies qu’après avoir clarifié les capacités de traitement de prélèvements salivaires des laboratoires français et après avoir précisé leurs conditions optimales de réalisation, notamment à partir d’essais français en voie de finalisation.

Conclusions

  • La validation et la hiérarchisation des tests de diagnostic et de dépistage du SARS-CoV-2 est une démarche complexe qui tient compte de leur intérêt diagnostique, de leur accessibilité, acceptabilité, de leurs contraintes organisationnelles et analytiques et de la rapidité de rendu de leurs résultats ; tous ces critères doivent concourir à satisfaire les deux objectifs d’utilité clinique des tests utilisés dans le contexte épidémique actuel et qui sont : i) identifier les malades infectés pour leur assurer une surveillance et des soins optimaux ; ii) assurer l’isolement effectif des sujets testés positifs.
  • Ce rapport est ainsi une première étape qui valide l’intérêt diagnostique des tests RT-PCR salivaires pour le diagnostic et le dépistage du SARS-CoV-2. Un travail complémentaire en voie de finalisation vient préciser les indications effectives à prévoir en pratique pour les tests RT-PCR salivaires, avec la préoccupation première de compléter la stratégie diagnostique actuelle sans la complexifier afin qu’elle reste lisible et effectivement appliquée.

 

[1] Les performances diagnostiques attendues « en population » sont celles attendues sur l’ensemble des centres de soins qui analyseront des tests RT-PCR salivaires ; cela correspond à l’indice global de méta-analyse associé à son intervalle de précision.