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Pourquoi l’OMS ne recommande-t-elle pas le port du masque à toute la population ?

L'Organisation mondiale de la santé tient compte de la diversité des pays, de leur politique et de leurs ressources.
par Florian Gouthière
publié le 15 avril 2020 à 17h03

[Mise à jour : Les recommandations sur lequel revient cet article du 15 avril ont été mises à jour début juin par l'OMS. L'organisation expliquait que, du fait «d'un faisceau croissant d'observations sur le port du masque par le grand public [notamment basées sur] la difficulté de respecter la distanciation physique dans de nombreux contextes»,  elle conseillait désormais aux autorités «d'encourager le port du masque par le grand public dans des situations et lieux particuliers, dans le cadre d'une approche globale  de  lutte contre la transmission du SARS-CoV-2»]

Bonjour,

De l'Académie de médecine française aux Center for Disease Control américain, la préconisation semble faire consensus : faire écran aux postillons, même en recourant à un masque artisanal, permet de limiter les nouvelles contaminations par le coronavirus. Pourtant, à l'étonnement de beaucoup de lecteurs, ce geste barrière supplémentaire n'est pas recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

L'institution internationale reconnaît l'utilité du port de masques dans le contexte de soins ou de contacts rapprochés avec les personnes malades, de même que dans le cadre de grands rassemblements de personnes. En revanche, dans sa documentation officielle, elle déclare qu'il n'y aurait «aucune preuve que le port d'un masque par des personnes en bonne santé puisse empêcher d'être infecté par des virus respiratoires».

Cette position, apparemment divergente, est d'ailleurs l'argument avancé par la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, sur France Info le 9 avril, pour expliquer qu'aucune décision ne soit encore prise au niveau de l'Etat sur cette question.

Des préconisations conditionnées aux moyens des états

Pourquoi l’OMS rechigne-t-elle à recommander le port du masque non-chirurgical aux personnes saines ou apparemment saines ? En quoi ses arguments s’opposent-ils aux ceux des autres institutions ?

Dans ses préconisations destinées à l’ensemble des nations en lutte contre la Covid-19, l’OMS identifie des avantages et des inconvénients dont l’arbitrage est laissé aux décideurs de chaque pays, en fonction de divers facteurs économiques, politiques ou sociaux.

Sur le premier plateau de la balance – celui des avantages – l’OMS pose le fait que le port correct d’un masque, de quelque nature qu’il soit, limitera les risques de projection de gouttelettes par les personnes asymptomatiques ou présymptomatiques, autant que le risque d’absorption par les personnes saines. Autre intérêt identifié du port généralisé du masque : éviter la stigmatisation des malades, à craindre s’ils étaient seuls à porter le masque.

Sur le second plateau de la balance, l’OMS pose d’autres arguments, dont la pertinence doit être mesurée à l’aune de situations nationales.

Premièrement, l'OMS interroge le fait que «l'utilisation de masques médicaux [à l'échelle d'un vaste groupe] peut créer un faux sentiment de sécurité, et entraîner la négligence d'autres mesures essentielles, telles que l'hygiène des mains et la distanciation physique». Par ailleurs, elle observe que la gêne liée au port de ces dispositifs «peut conduire les personnes à toucher leur visage sous les masques». Elle évoque en outre des risques liés au contact avec des masques contaminés ou à leur réutilisation, ainsi que la question des «difficultés à respirer au travers de certains masques» pour une partie des porteurs.

Pour les pays les moins riches, la question de l’investissement dans les masques est mise en perspective avec le développement de mesures plus prioritaires, comme celles liées à l’hygiène des mains. Enfin il est noté que, dans les pays subissant des pénuries, la demande de masque par le grand public est susceptible de créer un risque pour d’approvisionnement pour les centres de soin.

Psychologie, sociologie et sciences économiques

On le voit, l’intérêt d’un masque artisanal correctement manipulé, entreposé et désinfecté n’est pas remis en question par l’OMS. L’organisation internationale estime simplement que le déploiement de cette solution ne peut venir qu’en compléments des actions prioritaires liées à l’hygiène et à la distanciation sociale. En outre, ce déploiement doit s’accompagner d’éléments de pédagogie pour garantir que les populations utilisent les masques de façon efficace et sûre.

Le fait que les préconisations de l’OMS s’adressent à des pays dont les politiques, les mœurs et les ressources sont très différents conduit à formuler des «pour» et des «contre», et à laisser le dernier mot aux décideurs. L’organisation internationale évoque notamment la possibilité de recommander le port du masque aux personnes travaillant en contact étroit avec le public, aux individus à risque, dans les zones densément peuplées, etc.

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