Consultante reconnue, Amélie Goudjo officie sur beIN SPORTS et sur Sport en France (programme des matches à venir). L’ancienne capitaine de l’équipe de France évoque, avec un enthousiasme permanent, sa reconversion réussie.

Tu as choisi d’adopter un ton pédagogique et bienveillant, est-ce un style réfléchi, une posture… ?
Avant de me lancer dans des commentaires, j’ai réfléchi au ton que je voulais donner. Il faut tenir compte de l’évolution du handball avec une équipe de France qui était complètement anonyme avant la finale de 1998 face à la Norvège. Alors je crois que ceux qui commentent ont un rôle à jouer. Mon objectif est de faire aimer et comprendre la discipline et je ne vois pas l’intérêt de critiquer pour critiquer. Bien sûr, cela m’arrive de pointer quelques aspects négatifs mais globalement, comme je connais la difficulté de la pratique, je préfère mettre en valeur ce que les filles font de bien. Il y a un équilibre à trouver entre la vision large de la discipline et une description tactique plus précise attendue par les experts. Personnellement, lorsque je regarde d’autres sports, j’aime que les commentateurs utilisent des termes techniques.

Comment prépares-tu tes matches ?
J’y consacre environ 8 heures pour chaque match. Je regarde plus de vidéos aujourd’hui que lorsque je jouais, ceci afin de mieux connaître le style de jeu des équipes.

Mais c’est un travail titanesque !
Je l’estime nécessaire car cela aiguise l’œil. J’aime voir les matches en entier. Je lis aussi des articles et je consulte les statistiques. J’appelle aussi les joueuses, plutôt la veille du match. On parle le même langage et il y a un rapport de confiance donc je n’ai pas trop affaire à la langue de bois.

Tu alternes les collaborations avec deux journalistes, Jocelyn Veluire (Sport en France) et Xavier Hamel (beIN SPORTS). Qui s’adapte à l’autre ?
Je m’entends hyper bien avec les deux qui sont très humains. Ils n’ont pas la même façon de commenter ; ils s’expriment chacun avec des qualités différentes. À l’antenne, je me suis déjà trompée de prénom (rires). J’ai plutôt été habituée à vivre au sein d’un ensemble très large, d’une équipe, alors c’est intéressant d’avoir cette relation de binôme. Avec Jocelyn, nous avons trouvé le rythme dès notre premier match. Je commente depuis de nombreuses années avec Xavier qui est un super bosseur. La relation est fluide et les réajustements faciles. On a appris à sectoriser certains aspects dans le commentaire.

As-tu été soumise au stress lors de tes débuts à l’antenne et, le cas échéant, comment l’as-tu surmonté ?
En fait, lorsque j‘ai débuté, je commentais en cabine. Du coup, je ne ressentais pas de stress particulier. En revanche, lors des premiers matches sur le terrain, se retrouver en présentation, face caméra, était beaucoup plus stressant. J’ai parfois eu des palpitations mais cela n’a jamais trop duré. La dernière fois que j’ai ressenti un stress particulier, c’était lors du Mondial féminin au Japon, avant le match décisif face au Danemark, car ce match je ne le sentais pas ce match. Plus récemment, nous avons commenté le quart de finale du Mondial, Espagne – Norvège. J’ai ressenti le petit stress de la nouveauté – c’était mon premier match masculin – et Xavier m’a mis dans d’excellentes conditions.

As-tu conservé ton tempérament de compétitrice, à vouloir toujours progresser ?
Je me suis toujours engagée à fond. De plus, j’estime que la formation c’est toute la vie. Alors, je continue à lire, à me former, notamment sur le développement personnel, pour rajouter des cordes à mon arc.

Concrètement, cela passe-t-il par le debriefing de chaque match ?
Ce n’est pas très agréable de se réécouter mais c’est important d’avoir un regard critique, notamment sur le ton, aussi voir ce que je peux intégrer dans le commentaire. La difficulté réside dans le fait d’être concis et pertinent.

Quels étaient tes rapports avec la presse lorsque tu étais joueuse ?
Une seule fois en vingt ans, j’ai été en colère et déçue. Hormis cette anecdote, j’ai toujours eu un échange positif avec les journalistes ; je n’ai jamais senti d’hostilité. Bien sûr tout ne peut pas toujours être lisse, mais il y a de la bienveillance. Si je repense au dernier Euro féminin, les journalistes de beIN SPORTS adorent les joueuses et l’équipe de France. Ils sont à fond derrière.

Ne pas disputer les J.O. en 2012 a longtemps constitué une plaie – légitime – alors comment passer outre lorsque tu fréquentes l’équipe de France et notamment Olivier Krumbholz ?
Cela reste une petite cicatrice de ne pas avoir participé aux J.O. Pendant une longue période, j’en ai voulu à Olivier. Je suis passé par plusieurs étapes. Puis, à l’initiative de Gilles Estay – Chef de production de beIN SPORTS – qui ne trouvait pas idéal que je sois en porte-à-faux, j’ai accepté d’aller au restaurant et de discuter avec Olivier. Nous l’avons refait plusieurs fois et je n’ai plus aucun souci à échanger avec lui. J’ai fait tout ce cheminement et aujourd’hui, j’ai vraiment pardonné. Et pour commenter les matches de l’équipe de France, je crois que j’ai l’avantage de connaître par cœur Olivier. J’anticipe sa réflexion car je connais le personnage et ses sensibilités.

Malgré l’amertume, tu avais accepté de commenter les J.O. de 2012, déjà pour beIN SPORTS…
C’était ma toute première expérience et j’avais été sollicité au tout dernier moment. Ensuite, la même année, j’ai fait l’Euro sur le plateau de Canal +. Jusqu’à mon arrêt de carrière en 2015), je suis plus intervenue en plateau. C’est un autre exercice, plus tourné vers l’analyse. C’est le même plaisir que le commentaire mais c’est un autre travail, avec plus de recul et de projections.

Lorsqu’il ne s’agit pas de l’équipe de France, comment fais-tu pour commenter avec de la retenue ?
Il y en effet un besoin de neutralité. Ce n’est pas toujours facile d’être impartiale car parfois on se laisse porter par le cours du match. Globalement, je vibre énormément surtout lorsque les fins de matches sont serrées.

La crise sanitaire prive les handballeurs de leur passion. Ressens-tu une attente supplémentaire des téléspectateurs ?
Dans le contexte de la crise de la Covid-19, les gens sont en effet à fond ! Alors si on peut apporter cette petite fenêtre de plaisir, il ne faut pas s’en priver. Je trouve que les joueuses le fond avec beaucoup d’entrain. Personnellement, j’adore commenter au point que cela m’a apaisé après la petite phase de déprime qui a accompagné ma fin de carrière. La saison dernière, nous avons été privés de matches pendant six mois, alors j’apprécie beaucoup le programme qui se présente avec la phase des play-offs et downs de Ligue Butagaz Énergie.

Imagines-tu à l’avenir te rapprocher encore un peu plus du terrain avec un rôle au sein d’un staff ?
Lorsque je jouais au hand, je me disais que j’aurais deux vies différentes. Au final, j’ai gardé un pied fans le handball. Je suis proche de Raphaëlle Tervel et je me rends bien compte de la complexité du travail d’entraîneure et le temps à y consacrer. Alors coach principale, en plus de la conjoncture familiale – j’ai deux enfants de 2 et 4 ans – je n’y pense pas mais je ne me ferme pas d’horizons. J’adore la dynamique du travail en équipe et j’imagine que cela doit être passionnant de travailler, dans la longueur, au sein d’un collectif. Précisément, c’est la préparation mentale qui m’intéresse, notamment le langage non verbal, un secteur dans lequel je crois qu’il y a de nombreux éléments à explorer. (Je termine un diplôme très pointu dans le domaine et développe des modules adaptés au handball). Je pense que cela peut apporter des informations supplémentaires, une nouvelle lecture au coaching. En somme, détecter ce que l’on ne dit pas mais que le corps finit par montrer.

Quelles sont tes autres activités ?
J‘interviens sur de la formation professionnelle, notamment concernant l’insertion qui me tient particulièrement à cœur en utilisant les valeurs du sport comme levier. À titre d’exemple, dans le cadre de Paris 2024, Plaine commune avait lancé un appel projet auprès d’organismes de formation, j’ai été sollicitée pour animer un module de 16h auprès de publics très éloignés de l’emploi et voulant se former vers les métiers de la propreté et l’hygiène. A partir d’objectifs pédagogiques précis, je fais preuve de créativité pour mettre en place des ateliers spécifiques autour de questions centrales comme « comment réussir en équipe ? »  ou encore « comment être, rester ou devenir performant ? »
Ponctuellement, j’interviens aussi sur des conférences ou des ateliers pour des entreprises sur des thématiques diverses en faisant le parallèle avec mes expériences sportives comme par exemple « la raison d’être » avec PPDA ou « la gestion du temps ».

Propos recueillis par Hubert Guériau