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Santé

Coronavirus : chronologie de l'épidémie en Chine et émergence de théories complotistes

Depuis deux semaines, la Chine semble s'être lancée dans une campagne de désinformation visant à attribuer l'origine du Sars-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, à une source extérieure. Décryptage.

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A l'intérieur d'un laboratoire de virologie, en Chine, dans la province du Hubei.

A l'intérieur d'un laboratoire de virologie, en Chine, dans la province du Hubei.

Crédits photo: Yang Shungpi/Xinhua/AFP

La contre-offensive est lancée. Pointée du doigt pour être le pays à l'origine de l'émergence du coronavirus Sars-CoV-2la Chine tente d'imposer la possibilité d’un autre scénario sur l’origine de la pandémie mondiale de Covid-19 dont elle a été l’épicentre. C’est ce à quoi s’est attelé notamment Zhao Lijian, porte-parole de la diplomatie chinoise, jeudi 12 mars 2020, en reprenant à son compte dans deux tweets, les allégations d’un site conspirationniste basé au Canada, comme nous l’évoquions dès le 13 mars 2020, sur le site de Sciences et Avenir. Selon les propos de ce représentant officiel de Pékin connu pour son franc-parler, ce sont des ressortissants américains qui auraient pu apporter le nouveau coronavirus dans la ville de Wuhan, dans la province du Hubei, en octobre 2019, lors des Jeux Mondiaux Militaires qui s’y déroulaient et auquel participait une centaine de pays… Des allégations qui ont immédiatement entrainé la convocation de l’ambassadeur de Chine à Washington (Etats-Unis).

Pékin semble de plus en plus repousser l’idée que le coronavirus, qui cause la maladie Covid-19, puisse être originaire de son territoire. Restées dans un premier temps internes à la Chine, les théories du complot ont désormais franchi les frontières et la propagande bat son plein, faisant son miel des incertitudes qui entourent encore le Sars-CoV-2. Ainsi, le fait que les scientifiques n’aient pas encore véritablement identifié l’animal hôte – les premiers suspects étant la chauve-souris et le pangolin, et aujourd'hui, peut-être un hybride de deux virus - a prêté le flanc à ces spéculations. Tout comme le fait qu’il semble pour l’heure impossible de relier la totalité des premiers malades au marché aux poissons et animaux sauvages de Wuhan (fermé le 1er janvier 2020).

La Chine veut désormais minimiser tout ce qui pourrait la relier à l’émergence du virus, l’objectif étant éminemment stratégique et géopolitique. Dans une chronologie qu’elles voudraient réécrire, les autorités chinoises tentent ainsi de s’exonérer d’éventuelles responsabilités, en voulant effacer à l’intérieur comme à l’extérieur l’image désastreuse de la mauvaise gestion originelle de la crise marquée par un retard pris dans des décisions qui aurait permis de sauver des vies et de ralentir la propagation de l’épidémie. Elles tentent aussi de faire oublier les arrestations arbitraires des lanceurs d’alertes qui avaient très tôt signalés la gravité de la situation. Et ce jusqu’à la véritable date du début de l’épidémie puisque les premiers cas avérés ont été relevés en novembre 2019, et non en janvier 2020, comme l’avaient signalé les autorités chinoises. Nous avons donc repris à notre tour, point par point, cette chronologie des évènements en nous appuyant sur l’ensemble des articles publiés depuis le 8 janvier – date du premier d’entre eux sur notre site - par la rédaction de Sciences et Avenir. De quoi écrire une toute autre histoire que celle, très politique, que souhaite imposer Pékin qui, outre l’urgence sanitaire, a vécu sa plus grave crise sociopolitique depuis la répression de 1989 des manifestations de Tiananmen.

  

Le virus Sars-CoV-2 à l'origine de l'épidémie de Covid-19. © National Institutes of Health /AFP

L’épidémie Covid-19 est due au Coronavirus Sars-CoV-2

Le 3 janvier 2020, un article de la BBC est le premier au monde à faire état d'infections en Chine. Il est alors question d'un "virus mystère" et de 44 cas de personnes touchées, dont 11 "graves". Ces premiers cas sont signalés à Wuhan, une ville de 11 millions d’habitants, située dans la province du Hubei (Chine). Le virus serait apparu sur un marché aux poissons et animaux sauvages. -Des informations ont depuis révélé que le tout premier cas, un patient de 55 ans, remonte en réalité au 17 novembre 2019.

. Le 5 janvier 2020, concernant celle qui est toujours qualifiée de mystérieuse maladie, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) écrit : "Sur la base des informations préliminaires fournies par l'équipe d'enquête chinoise, qu'aucune preuve de transmission interhumaine significative et aucune infection par des agents de santé n'ont été signalées".

. Le 8 janvier 2020, Sciences et Avenir publie sur son site son premier article sur ces cas de pneumonies et "ce virus d'origine inconnu".

. Le 12 janvier 2020 l'OMS déclare l'existence d'un nouveau coronavirus en Chine. Nommé "2019-nCoV", il est confirmé comme agent responsable des "mystérieuses pneumonies". À cette date, il est question de 59 personnes infectées en Chine, "un nombre qui depuis le 12 décembre ne cesse d'augmenter" explique l’organisation mondiale de la Santé (OMS). Les scientifiques chinois partagent la séquence complète du génome du nouveau coronavirus avec l’ensemble de la communauté scientifique mondiale. Elle a été établie à partir d’échantillons prélevés sur "les premiers patients chinois atteints". (Le laboratoire où ont été effectuées ces analyses a été contraint de fermer dès le lendemain de la mise en ligne des résultats).

- Le 13 janvier 2020, un premier patient de 61 ans décède à Wuhan, et un premier cas est découvert hors des frontières de la Chine : en Thaïlande, une femme en provenance de Wuhan, a en effet été détectée positive au coronavirus. Elle expliquera qu’elle ne s'est jamais rendue au marché aux poissons et animaux sauvages de Huanan, à Wuhan, où des suspicions d’infections entre humains et animaux sont soupçonnées depuis le début. Une transmission d’humain à humain n'est toujours pas établie.

. Le 15 janvier 2020 : les autorités chinoises effectuent l’annonce d’une transmission entre humains "faible" mais pas "exclus". Plus de deux semaines se sont officiellement écoulées depuis les premiers cas annoncés de la "mystérieuse maladie". (En réalité, déjà 2 mois !). Ce même jour, à Hong-Kong, 71 personnes qui s’étaient rendues à Wuhan, sont hospitalisées souffrant de problèmes respiratoires. 60 seront autorisées à rentrer chez elle, la présence du virus n’ayant pas été diagnostiquée. Un 2e patient, un homme de 69 ans décède à Wuhan.

. Le 22 janvier 2020, une équipe chinoise publie un article dans le Journal of Medical Virology. Elle y explique que le "2019-nCoV" pourrait infecter l’humain à partir d’un serpent. A cette même date, une autre équipe de l’Académie des sciences chinoises et de l’Institut Pasteur de Shanghai, estime que le réservoir naturel du Coronavirus de Wuhan est plus sûrement une chauve-souris, avec un autre possible animal intermédiaire inconnu. Ce même jour, plus de trois semaines après les premiers signalements officiels –mais deux mois dans les faits-, les autorités chinoises mettent la ville de Wuhan en quarantaine. Plus aucun train ni avion ne doit quitter la capitale de la province du Hubei. 555 personnes sont déclarées contaminées, 17 ont perdu la vie.

. Le vendredi 24 janvier 2020, la Chine entre dans son long congé du Nouvel An de l"Année du Rat de métal". Des centaines de millions d’habitants s’apprêtent à circuler à travers tout le pays pour les fêtes. L’information de la mise en quarantaine de Wuhan ayant été promulguée dans la nuit, nombreux sont ceux qui ont déjà quitté la ville... en voiture. La température corporelle des conducteurs est néanmoins prise aux sorties des autoroutes. Une dizaine d’autres villes chinoises sont bouclées. Des millions de personnes sont assignées à résidence. Le président XI Jinping s’exprime publiquement pour la première fois au sujet de l’épidémie et demande à ce qu’elle soit résolument "enrayée". De Pékin à Shanghai, les masques apparaissent sur tous les visages, dans les lieux publics et le métro. Ce même jour, un scientifique chinois admet que la transmission du virus peut se faire d’humain à humain, et pas seulement via le contact d'un animal. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) le confirme pour la première fois. Elle ne recommande pas de restriction de voyages mais d’établir des dépistages dans les aéroports. Elle demande aussi "à tous les pays" de mettre en place des mesures pour détecter les cas de coronavirus. En Chine, 25 morts sont déclarés sur un total de 830 personnes contaminées.

- Le 24 janvier 2020 au soir, en France, le ministère de la Santé confirme que trois premiers patients sont atteints par le Coronavirus et sont hospitalisés dans l’Hexagone. Ils sont présentés comme "les premiers cas européens". Sur les trois cas, deux se sont rendus en Chine : il s'agit d'un couple de 31 ans et 30 ans, hospitalisé à Paris, le 3e, un proche parent de l'un d'eux, âgé de 48 ans, est hospitalisé à Bordeaux. Le même jour, des scientifiques de l’Institut Pasteur se lancent dans le séquençage du génome viral du coronavirus sur la base d’échantillons prélevés sur ces trois patients. Au même moment, deux scénarios de diffusions de la maladie Covid-19 sont établis par l’Inserm, l’un à haut risque, l’autre à bas risque. Etant donné les flux aériens, il est ainsi estimé que les pays les plus exposés pourraient être l’Allemagne et le Royaume-Uni. L'Italie est passée sous les radars. En Chine, le nouveau bilan officiel fait état de 26 morts et 1287 contaminés. Un constat est fait : la plupart des patients décédés ont plus de 65 ans.

. Le 26 janvier 2020, plus de 50 personnes sont décédées en Chine et 2.000 personnes sont contaminées. Les autorités chinoises à travers Gao Fu, responsable du Centre chinois de contrôle et prévention des maladies, déclarent "que le virus n’est pas aussi puissant" que celui du SRAS à l’origine d’une épidémie meurtrière en 2002-2003, mais qu’il est "plus contagieux". Le SRAS avait provoqué la mort de 774 personnes dans le monde, dont 349 en Chine continentale et 299 à Hong Kong. Les autorités françaises se préoccupent du rapatriement des ressortissants français de Wuhan.

. Le 27 janvier 2020, en Chine, l’épidémie comptabilise 80 morts avec 2.744 cas de contaminations confirmés, et plus de 6.000 cas suspects. A Paris, les chercheurs de l’institut Pasteur, responsable de la surveillance des virus respiratoires en France, achèvent le séquençage de l’ensemble du génome du coronavirus dit "2019-nCoV", devenant ainsi la première institution en Europe à avoir séquencé le génome du virus. 

. Le 28 janvier 2020, dans une impressionnante opération de communication, les autorités chinoises annoncent à Wuhan, la construction d’un hôpital en un temps record. La télévision chinoise CGTN propose même d’en suivre la construction en direct. En France, un 4e cas de contamination est détecté: il s'agit d'un touriste chinois de 80 ans originaire de la province du Hubei, la plus touchée de Chine. Pour la première fois, un article publié dans le Lancet émet comme hypothèse que le marché de Huanan, le Seafood Wholesale Market de Wuhan, pourrait ne pas être à l’origine de l’infection. Il y est rappelé que le premier patient -dont on apprend à cette date qu’il remonterait au 1er décembre 2019- (date qui ne va cesser d'évoluer) n'avait eu aucun contact avec ce marché. "Aucun lien épidémiologique n’a été trouvé entre le premier patient et les cas ultérieurs" écrivent les signataires de l'article. 13 des 41 cas confirmés n’auraient pas eu de lien avec ce marché, toujours selon ces mêmes sources. 

. Le 30 janvier 2020, en Chine, le nombre de patients décédés s’élève à 38 morts pour cette seule journée, faisant un bond sans précédent depuis le début de l’épidémie. Il porte le bilan total des décès à 170 pour 7.700 personnes diagnostiquées positives. L’OMS change alors totalement d’attitude et appelle cette fois "le monde entier à agir". L'Institut Pasteur partage toute la séquence du génome du virus sur le site Global initiative on sharing all influenza data (GISAID). Ce même jour la France totalise 6 personnes touchées. Le pays rapatrie 250 Français et 100 ressortissants européens.  Si Sars CoV-2 appartient au même groupe de Coronavirus que celui à l’origine de l’épidémie de SRAS de 2002-2003, il est aussi très différent dans sa constitution. Les premières rumeurs chinoises d’un virus échappé d’un laboratoire de Wuhan, le Wuhan Center for Disease Control and Prevention, commencent à circuler.

. Le 31 janvier 2020, en Chine, le bilan est de 10.000 personnes contaminées et 213 décédées. L’OMS déclare l’urgence internationale. pour la 6e fois de son histoire. 

 

Le Dr. Li Wenliang, lors de son hospitalisation. © Eyepress News / AFP

. Le 6 février 2020, en Chine continentale, le bilan des décès s’élève à plus de 560 morts avec 28.018 cas de contamination. L’OMS annonce le décès du Dr. Li Wenliang, ophtalmologue à l’hôpital central de Wuhan, où il est hospitalisé depuis 3 semaines. Accusé par les autorités chinoises d’avoir propagé de fausses rumeurs sur l’apparition d’une maladie proche du SRAS, il avait été arrêté et interrogé par la police, soulevant l’indignation d’une partie de la population. Agé de 34 ans, ce lanceur d’alerte avait tenté, avec 7 autres confrères - de mettre en garde les autorités chinoises sur la gravité de la situation à Wuhan et le danger de la maladie "dès le début du mois de décembre 2019".  

. Le 7 février 2020, des scientifiques de l’Université d’agriculture du sud de la Chine identifient le pangolin, un petit mammifère à écailles, comme possible hôte "intermédiaire" du virus. L’animal "réservoir" étant toujours la chauve-souris. "Le virus de la chauve-souris n’étant pas équipé pour se fixer sur les récepteurs humains, il doit passer par une autre espèce pour s’adapter à l’homme, le fameux hôte "intermédiaire", rappelle un article de l’AFP.

. Le 14 février 2020, le nombre de morts en Chine continentale depuis le début de l’épidémie s’élève à 1400 personnes avec près de 64 000 personnes contaminées.

Le samedi 15 février 2020, dans un article publié sur la plateforme ResearchGate -qui n’a aucune valeur scientifique-, deux universitaires chinois déclarent que le nouveau coronavirus ne provient pas du marché de Wuhan, mais "d'un laboratoire de Wuhan". L’article qui instille le doute, arrive après une autre déclaration, cette fois provenant du site Web Zero Hedge : ce site de Fake News accuse l’Institut de Virologie de Wuhan -qui dispose d’un P4, un laboratoire de haute sécurité-, d’être à l’origine de la fuite d'un virus manipulé par les chercheurs. Selon ces rumeurs, le nouveau coronavirus aurait été volé dans un laboratoire au Canada et militarisé par le gouvernement chinois.

Le 19 février 2020, face à cette avalanche de rumeurs, le Lancet vient à la rescousse des scientifiques chinois en publiant une déclaration condamnant l’apparition de ces théories du complot. L’article conclut que ce coronavirus est originaire de la faune, tout en mettant en garde sur la façon dont les rumeurs créent des peurs et des préjugés qui mettent en péril les collaborations internationales dans la lutte contre le virus.

. Le 20 février 2020, La maladie apparue en décembre à Wuhan (en réalité dès 17 novembre) a contaminé plus de 75.000 personnes, dont plus de 2.000 mortellement. Le Centre chinois de contrôle et prévention des maladies a mené une étude portant sur 72.314 cas confirmés, suspects, diagnostiqués cliniquement et asymptomatiques de la pneumonie virale constatés en date du 11 février 2020. Il s'agit de la plus vaste étude menée depuis le début de l'épidémie.

. Le 21 février 2020, l'apparition de nouveaux cas de contamination au coronavirus en Corée du Sud, en Iran, ainsi que dans des hôpitaux et prisons chinoises, relance les inquiétudes sur la propagation d'une épidémie qui a déjà fait plus de 2.200 morts. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle désormais la communauté internationale à "frapper fort", sans attendre, contre ce virus qui a contaminé plus de 75.000 personnes en Chine et 1.100 ailleurs dans le monde.

Depuis cette date, l'épidémie n’a cessé de progresser à travers la planète, chaque jour augmentant de façon exponentielle le nombre de personnes infectées et décédées. A la date du 19 mars 2020, elle touche désormais 157 pays, avec 212.691 cas et 8.957 morts.

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